LAURENT GOULVESTRE
Conférencier interculturel

L’Emorisation

L’émorisation® ou la mémorisation par l’émotion

 Laurent Goulvestre - Principes de l'émorisation outdoorQuotidiennement notre cerveau reçoit un nombre incalculable d’informations, mais seules celles qui auront été associées à une émotion forte resteront gravées dans notre mémoire »

L’émorisation est un néologisme de considération pratique qui correspond à la mémorisation de l’information par l’émotion. En fonction de la charge émotionnelle reçue par l’individu, son apprentissage pédagogique sera influencé et modifié. Ce phénomène a été largement démontré et étudié dans le cas des syndromes post traumatiques et des souvenirs flashs.

Toutes les informations qui entrent dans notre cerveau passent d’abord par le cerveau émotionnel (cerveau limbique) avant d’entrer dans le cerveau de la réflexion (cerveau cortical). La force de nos émotions va donc modifier et renforcer notre apprentissage.

Le marquage émotionnel

« Que faisiez-vous le 11 septembre 2001 lorsque vous avez appris l’attentat du World Trade Center ? » ou encore « Que faisiez-vous lorsque vous aviez appris la mort d’un personnage célèbre pour lequel vous aviez de l’intérêt ? » Si vous vous concentrez quelques secondes sur ces évènements, vous vous souviendrez sans doute du lieu où vous vous trouviez et de la manière dont vous l’aviez appris. Plus celui-ci nous a ému et plus le souvenir sera clair et précis. Face à une émotion importante, notre cerveau a imprimé ces informations qui semblent indélébiles dans notre mémoire. Ce phénomène, abordé pour la première fois par Gal Richter-Levin de l’université de Haifa, est appelé marquage émotionnel.

Notre cerveau et l’émotion

Si beaucoup d’entre nous savent que le cerveau est composé de deux lobes : droit et gauche, peu savent qu’il est également composé de trois étages et il est important, pour une meilleur compréhension de l’émorisation, de le détailler ici.

Le premier étage est notre plus petit cerveau, il est apparu à l’époque primitive, il y a 400 millions d’années. Il agit sur nos instincts primaires et s’appelle le cerveau reptilien. Il correspond aussi au premier étage de la pyramide de Maslow, celui des besoins physiologiques.

Avec l’apparition des mammifères il y a 65 millions d’années, un nouvel étage est venu se greffer sur le cerveau reptilien : le cerveau limbique. Celui ci contient notamment le thalamus sensoriel, l’amygdale et l’hippocampe. C’est le cerveau de l’émotion, il est là pour ressentir et non pour analyser les informations venant de l’extérieur. Les amygdales (à ne pas confondre avec les amygdales de la gorge) situées à côté de l’hippocampe dans la partie frontale du lobe temporal, sont essentielles à notre capacité à ressentir les émotions. Quant à l’hippocampe, il est impliqué dans le stockage et la remémoration de souvenirs explicites (par exemple : le feu ça brule). Sa structure neuronale est simple pour un traitement rapide de l’information. Ainsi, si je ressens quelque chose qui me brule soudainement le doigt, je vais avoir le réflexe d’enlever brusquement la main, sans analyser ce que c’est. Mon cerveau agit ici, dans une procédure d’urgence, de protection et de survie.

Notre troisième et dernier étage est le Néocortex. Celui-ci analyse de façon précise les situations (était-ce vraiment du feu, de quel type, quelles sont les actions suivantes à engager pour soigner cette brulure). Sa structure neuronale est beaucoup plus complexe mais c’est ce qui va permettre une analyse précise des faits et engager un processus de réparation si nécessaire.

L’émotion et l’apprentissage

Les modes d’apprentissage de l’Education Nationale et des formations « classiques » privilégient le savoir. Le formateur est présent dans la salle et transmet sa connaissance de façon neutre, voire même parfois monotone et sans réelle interactivité. Or, si le cortex analyse et traite correctement l’information donnée par le formateur, il la retient rarement puisque nous avons vu que le cerveau se stimule de façon ascendante, en commençant par le limbique afin de stimuler la mémoire située dans le cortex.

Ainsi, quand on écoute de la musique, ce sont les premières secondes qui sont importantes. Si celle-ci nous plait, le cortex prendra le contrôle de la main qui saisira ainsi le CD afin de l’acheter. Par contre, si le « limbique » ne s’est pas ouvert, le cortex restera neutre et il y a fort à parier que le CD restera aussi sur l’étagère du magasin…

On voit ainsi que la motivation pour apprendre, ou encore engager une action, est un processus qui vient en grande partie d’éléments extérieurs (processus exogène) et donc de l’environnement. Il s’oppose, de fait, à l’autosuggestion faite à partir du cortex de la méthode Coué. A ce titre, essayez de dormir en vous disant que vous le devez absolument. Il y a fort à parier pour que, dans la plupart des cas, cela vous tienne plus éveillé qu’autre chose. Il en est de même pour le manager qui comprend vite l’inutilité de dire à ses assistants « Motivez-vous !». C’est en mettant une ou plusieurs « carottes » proportionnelles à l’effort que la motivation va s’enclencher. Les carottes peuvent être financières, mais aussi liées à une promotion, à des responsabilités ou à la notion de sens au sein de l’acte à réaliser…

En construisant des formations interculturelles outdoor à travers un environnement spécifique qui déclenche une situation émotive du candidat, le thalamus sensoriel génère de la noradrénaline qui active les récepteurs de l’amygdale. Ces derniers, en accordant une connotation émotive à l’information, vont la mémoriser facilement en activant l’hippocampe. Le fait de sensibiliser systématiquement le cerveau limbique en amont devient alors une méthode infaillible.

L’émorisation positive

Qu’elle soit positive ou négative, l’émotion favorise notre apprentissage. Cependant la qualité de « fixation » de ce que l’on retient est différente selon le type d’émotion vécu. En ce qui concerne l’émotion positive, on retient plus d’éléments en cohérence avec la globalité d’une situation. Pour ce qui est de l’émotion négative, la mémoire est focalisée sur des détails précis, au détriment de la vision globale.

Les exercices outdoor proposés sont donc liés à des émotions positives et toutes les connaissances transmises pendant la formation sont ancrées dans la mémoire à travers cette technique.

Bibliographie :

(1) McDonald, Robert J.; White, Norman M.Triple dissociation of memory systems: Hippocampus, amygdala, and dorsal striatum. Behavioral Neuroscience, Vol 107(1), Feb 1993, 3-22.

(2) DANIEL L. SCHACTER « à la recherche de la mémoire, le passé, l’esprit et le cerveau » traduction de la 1ère édition américaine par béatrice Desgranges et Francis Eustache

(3) MORRIS J.S., FRISTON K.J., BÜCHEL C., YOUNG A.W., CALDER A.J., & DOLAN R.J. (1998) : A neuromodulatory role for the human amygdala in processing emotional facial expressions. Brain, 121 : 47-57.

(4) G. Richter-Levin, & L. Akirav, « Emotional tagging of memory formation – in the search of neural mechanisms », Brain research reviews, vol XLIII, n°3 2003

(5) Anne Jolly «évènements traumatiques et état post-traumatiques : une revue de la littérature épidémiologique » annales Médico-Psycologiques, 2000, 158(5), 370-378.